Interview - Bobette Matulonga, coordinatrice du programme de Master en Santé Publique en co-diplomation entre l’Université de Paris-Saclay et l’UPC

Dans un entretien, le professeur Bobette Matulonga revient sur son projet financé par l’Ambassade de France dans le cadre du Fonds de Solidarité pour les Projets Innovants (FSPI) pour la coopération universitaire.

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Bobette Matulonga

Pouvez-vous nous parler de votre rôle en tant qu’enseignante-chercheuse et responsable du Master Santé Publique en co-diplomation entre l’Université Paris-Saclay en France et l’Université Protestante au Congo en RDC ?

Je suis Bobette Matulonga, professeure des universités et docteur en santé publique de l’Université Paris-Saclay en France. En plus d’être enseignante, je suis l’initiatrice et coordinatrice du programme de Master en Santé Publique en co-diplomation entre l’Université Paris-Saclay et l’Université Protestante au Congo. Ce programme a été ouvert en 2023 et nous prévoyons également de commencer un programme de doctorat en 2025.

Notre objectif est d’apporter en RDC les valeurs scientifiques acquises en France, tout en tenant compte du contexte congolais. En tant que responsable du Master, mon rôle est de transmettre cette vision à mes étudiants et collaborateurs congolais.

En savoir plus : Cérémonie d’ouverture du master de santé publique en double diplomation – Université Paris-Saclay et Université protestante au Congo

Comment décririez-vous l’importance de la coopération universitaire dans le renforcement de l’enseignement supérieur ?

La coopération universitaire joue un rôle essentiel dans le renforcement de l’enseignement supérieur. En RDC, le système LMD est encore récent, et il est important de s’associer avec des universités ayant une expérience dans ce domaine. La coopération universitaire favorise les échanges étudiants, la mobilité des enseignants et la transversalité des connaissances. Notre formation en co-diplomation entre les deux universités comporte tous ces aspects, et peut servir de modèle pour la RDC.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste le financement du Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) que votre université a récemment obtenu ?

Le financement du Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) est destiné à soutenir les projets de collaboration entre les établissements d’enseignement supérieur français et congolais. Il permet aux universités congolaises de répondre à des appels à projets de plus grande envergure et soutient également l’initiation de projets partenariaux entre les établissements des deux pays. Cela inclut un soutien en phase initiale, telles que les missions exploratoires.

Quels sont les avantages et les défis de la co-diplomation entre les universités françaises et congolaises ?

Les avantages de la co-diplomation entre les universités françaises et congolaises sont nombreux. Cela permet d’établir des partenariats solides entre les institutions, de favoriser les échanges culturels et académiques, et de proposer des programmes de formation adaptés aux besoins réels du terrain.

Cependant, la co-diplomation présente également des défis importants. La phase d’initiation peut être complexe et nécessiter des ressources financières et temporelles importantes. Il peut être difficile de trouver des financements pour un projet encore inexistant, ce qui peut compromettre la concrétisation de certains projets.

D’autres défis incluent les différences culturelles, la résistance au changement, la nécessité d’adapter les programmes de formation pour répondre aux spécificités locales, et la promotion de l’innovation technologique dans l’enseignement supérieur congolais.

Il est donc essentiel de continuer à promouvoir le FSPI et de sensibiliser davantage les enseignants-chercheurs congolais à ses possibilités de financement.

Qu’en est-il de votre programme ?

Notre programme offre trois avantages majeurs pour la RDC :

1. Soutien au système LMD : Notre programme est conçu en partenariat avec des institutions qui ont une expertise dans le système LMD depuis plusieurs décennies. Cela permet de soutenir le jeune système LMD de la RDC en apportant des connaissances et des pratiques basées sur les normes internationales.

2. Formation d’experts locaux : Notre programme se concentre sur un domaine prioritaire pour la RDC et vise à former des experts locaux qui sont formés selon des normes internationales, tout en restant en RDC. Cela évite la fuite des cerveaux et permet de former des professionnels compétents qui comprennent les défis et le contexte local.

3. Utilisation des NTIC : Notre programme apporte une dynamique dans l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement supérieur congolais. Les apprenants ont accès à l’E-campus, à la bibliothèque numérique de l’UPSaclay, ils reçoivent un ordinateur portable au début de leur formation et bénéficient d’une formation aux outils numériques en début d’année académique. Cela permet d’améliorer l’accès à l’information et de développer les compétences numériques des étudiants.

Ces trois aspects combinés font de notre programme un moteur de développement de l’enseignement supérieur en RDC, en soutenant le système LMD, en formant des experts locaux et en favorisant l’utilisation des NTIC.

Comment envisagez-vous l’impact de ce projet sur l’accès au doctorat pour les étudiants congolais ?

Notre projet a été conçu en prenant en compte le parcours jusqu’au doctorat. Le master que nous proposons est à la fois professionnalisant et axé sur la recherche. Cependant, l’un des défis de l’accès au doctorat en RDC est le manque de cadres formels, comme des écoles doctorales, pour le doctorat. Pour contourner cette difficulté, les doctorants de notre programme seront inscrits à l’École Doctorale de Santé Publique de UPSaclay et bénéficieront d’une co-direction par un binôme de chercheurs en France et en RDC.

Dans l’ensemble, nous pensons former suffisamment de docteurs dans le domaine de la santé publique pour établir une école doctorale de santé publique en RDC, voire dans la région d’Afrique centrale. Notre programme comprend donc à la fois un volet enseignement et un volet recherche, permettant de générer des projets de recherche qui seront proposés aux étudiants pour leurs thèses.

Notre partenariat avec Paris Saclay, avec sa Graduate School et son École Doctorale, garantit l’accès au doctorat pour nos étudiants congolais. Il convient de souligner que l’École Doctorale de Santé Publique de Paris Saclay est l’une des plus grandes de France, accueillant environ 200 doctorants chaque année.

Quels sont les prochains développements que vous attendez dans le domaine de l’enseignement supérieur en RDC grâce à cette coopération universitaire et au financement du FSPI

Grâce à cette coopération universitaire et au financement du FSPI, nous prévoyons d’apporter un dynamisme dans le développement du volet recherche de l’enseignement supérieur congolais. Jusqu’à présent, l’enseignement supérieur en RDC s’est principalement concentré sur les aspects de l’enseignement. Cependant, avec l’instauration du système LMD et des projets de collaboration tels que le nôtre, nous pouvons redynamiser le volet recherche.

Le financement du FSPI nous permettra de faire émerger des projets scientifiques entre les chercheurs de l’UPC et de l’UPSaclay, ce qui permettra de générer des sujets de thèse en co-direction et de favoriser la poursuite en doctorat pour nos étudiants congolais.

Cette collaboration ouvre de nouvelles perspectives pour l’enseignement supérieur en RDC, en mettant l’accent sur la recherche et en offrant aux étudiants la possibilité de poursuivre leurs études au niveau du doctorat. Nous espérons que cela stimulera l’innovation et la production de connaissances dans le pays.

Dernière modification : 19/01/2024

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